En Russie, les médias en ligne ont connu un développement dynamique et innovant dans les années 2000, incarnant l’esprit critique et libre du net face aux emprises pesant sur les médias traditionnels. Cependant, depuis les manifestations citoyennes de 2011/2012 et l’annexion de la Crimée en 2014, dans un contexte d’encadrement politique croissant de l’espace public, leurs journalistes sont soumis à des épreuves menaçant leur sécurité et limitant leur liberté d’expression. Face à l’oppression incarnée par l’Etat, ils explorent les possibilités du runet pour trouver des outils de protection et d’expression, développant ainsi des savoirs numériques de plus en plus riches. Ces savoirs nouveaux éclairent les grammaires de l’action journalistique en Russie. Dans un contexte où la menace politique constitue le cadre d’intelligibilité de la contrainte, la sensibilité réflexive des journalistes aux enjeux de la privatisation et de la marchandisation des applications de contournement s’évapore. La couverture médiatique du blocage de Telegram, en 2018, montre les compromis que les journalistes élaborent entre considérations civiques et facilités marchandes.
Congrès de l’Association française de Science politique, 02 juillet 2019, Bordeaux.