La notion de « mur numérique » est devenue un lieu commun des débats sur l’internet russe (runet) à la fin des années 2010, comme en témoigne le titre d’un article publié dans le quotidien russe Kommersant, « Le runet derrière le mur » (Runet za stenoj), en octobre 2018. La Russie apparaît comme l’un des laboratoires des nouvelles démarcations politiques sur le web. Cette élaboration d’une nouvelle frontière internet est un objet d’intérêt majeur, généralement abordé dans une perspective géopolitique, fondée sur une interprétation étato-centrée de la nouvelle frontière du runet (pensée comme une réincarnation des frontières terrestres), éventuellement appuyée sur des analyses de données macro et des cartographies géo-stratégiques. Si cette cyber-géopolitique est légitime au regard des discours mêmes des autorités russes, l’objectif est ici de proposer une analyse socio-ethnographique des nouvelles pratiques frontalières sur le web russe comme multitude d’action situées et distribuées. Cette approche permet de rendre compte des pratiques d’emprises qui se développent dans un contexte numérique libéralisé et marchandisé. Les acteurs du numérique sont divers et pluriels, à l’image d’une société russe participant pleinement des innovations numériques.
Conférence Marsouin sur la société numérique, 23 mai 2019, Rennes.